La journée avait pourtant si bien commencé.
Il faisait beau, vraiment beau, au point que tout le monde avait sortie ses vêtements de Gormir, faisant des rues de Londres un océan de couleurs. Kiara aimait les couleurs, qu'elles soient pastelles, vives, ou sombres. Peut-être était-ce à cause de sa fibre artistique, mais toutes les couleurs quelle qu'elles soient lui plaisaient, faisant naître un sourire léger sur ses lèvres, tandis qu'elle lorgnait sur les différentes vitrine de la rue commerçante, profitant du premier samedi de beau temps pour refaire sa penderie, tandis que ses bras s’alourdissaient au fur et a mesure que les sacs en papier se faisaient nombreux à ses poignets. Elle n'avait pas demandé à Seth de l'accompagner aujourd'hui, c'était rare, pour ne pas dire exceptionnel, mais cela arrivait parfois, le plus souvent quand elle voulait lui faire une surprise...
Pour l'occasion, Kiara avait sortie sa robe favorite, celle jaune à fleur blanche, lui arrivant au niveau des genoux, à laquelle elle avait un serre tête assortis et des ballerine de la même couleur, offerte par son père pour son anniversaire. Charmante. C'est ça, elle était tout à fait charmante, rayonnante, même, heureuse de voir le beau temps revenir, et de voir le ciel de peindre d'un bleu azur.
Qui aurait pensé que d'un instant à l'autre, une journée aussi idyllique pouvait virer au cauchemar?
Ça ne prit qu'un instant. Une seconde. Elle entendit des cries. Quelqu'un cria ''attention'', mais avant qu'elle n'ait le temps de se retourner, quelque chose la percuta a pleine vitesse. Elle n'eut même pas le temps d'avoir peur. Soudainement, il n'eut plus que des cris, et du sang. Partout, partout, partout. Trop de sang, beaucoup trop. Et la douleur. La douleur horrible, virulente, tandis que les cris se faisaient lointain. Il lui fallut un moment pour comprendre qu'elle était au sol, entourés d'inconnus qui semblaient l’appeler. Elle voyait sa main dans la leur, dont les doigts couverts de sang prenaient des angles étranges. Kiara ne comprenait rien, elle n'y arrivait pas, elle se sentait juste glisser dans un endroit noir, tellement noir, alors que les voix se faisaient si lointaine. Elle sombrait dans un monde sans aucune couleur. Sans bruit. Et surtout sans douleur. Elle essaya tant bien que mal, pendant quelques instants de garder les yeux ouvert, mais cela semblait trop dur. Elle avait si froid. A bout de force et capitula, laissant l’inconscience l'engloutir. Sa dernière pensé fut pour lui, alors qu'elle soupirait, enfin délivrée de la douleur.
Qu'allait-il devenir sans elle?
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Quand elle ouvrit les yeux, la première chose qui la frappa fut une douleur si vive, lui brûlant les rétines. Avec un gémissement, elle essaya de se rouler sur le coté pour échapper à la lumière qui filtrait à travers les rideaux blanc, mais cela aussi demandait trop d’effort à ses muscles endoloris. Il lui fallut de nombreuses minutes pour réussir à ouvrir les yeux, tandis que son souffle se calmait doucement.
Enfin, en silence, elle s'assied, la bouche pâteuse, l'esprit embrumé... Il y avait tellement de question qu'elle aurait du se poser, tant de chose qui aurait du se bousculer a son esprit qui pourtant restait vide. Totalement vide. Alors, elle resta là, silencieuse, a regarder les lieu avec un air légèrement hébété, attrapant par réflexe une mèche de cheveux qu'elle tourna dans ses doigts pour se détendre. Ce fut tellement mécanique qu'elle ne réalisa pas que ces dernier lui arrivait désormais jusqu’à la poitrine...
Elle eut beau essayer de faire le point, de comprendre où elle se trouvait, rien n'y faisait, elle n'arrivait même pas a savoir quelle question se poser en première. Elle était tout bonnement incapable de réfléchir, de plus, cela lui semblait tellement fatiguant, presque étrange, après tant de temps sans être capable de le faire. Elle hésitait presque à reposer sa tête contre l'oreiller et se rendormir.
Puis doucement, comme un murmure lent et doucereux, la peur commença à se faire sentir. A petit pas. A tout petit pas, elle vint bousculer son esprit ensommeillé. Il n'y avait pourtant rien d’inquiétant, si ce n'était ce vide persistant dans sa tête. Elle ne savait rien. C'était encore plus terrifiant que d'avoir des questions.
Soudainement, la porte s'ouvrit en grand, laissant place à une femme toute de blanc vêtue. Elle ne la regarda même pas, tandis qu'elle agissait avec une aisance que seule l'habitude pouvait lui donner. En chantonnant, elle posa une pile de linge sur une... Chaise. Oui, c'est ça, elle en était sûre, cela s’appelait une chaise.
- Bonjour Kiara. Comment vas-tu aujourd'hui? L’infirmière parlait mais ne la regardait pas, comme si... Comme si elle n'attendait pas de réponse de sa part. Comment réagir? Elle hésita un instant, penchant la tête légèrement sur le coté, avant de demander finalement la seule chose qui lui venait en tête. Laborieusement, ladite Kiara ouvrit la bouche, surprise elle-même par le son de sa voix.
- Kiara? C'est moi?
A peine prit-elle la parole que la dame en blanc sursauta violemment, faisant par la même occasion tomber le drap dans ses mains, avant de se retourner vivement vers la patiente. Elles semblaient si étonnées l'une par l'autre que cela aurait put paraître drôle, si la jeune fille lui faisant face n'avait pas été considérée comme un cas perdu...
Après quelques secondes, l’infirmière s'en alla en courant, lui disant de ne pas bouger, alors qu'elle partait en criant pour appeler son supérieur. Kiara ne comprenait rien, ce qui n’arrangea rien au stresse évidement qui commençait perfidement à entraver ses sens, tout en rongeant sa conscience.
Puis, un instant plus tard, un homme arriva. Kiara savait qu'il était un homme, et elle une femme, mais elle ignorait comment elle le savait. Comme pour le reste. Il lui sourit, probablement pour la rassurer, mais ses yeux la fixaient avec une avidité qui n'avait rien de rassurant. Elle était un miracle, elle servirait sa renommée. La voyait-il autrement qu'en trophée de sa carrière?
- Excusez ma collègue mademoiselle, il faut avouer qu'on... Avait quelque peu perdu espoir de vous voir rouvrir les yeux un jour... Ce qui aurait été un gâchis, ils sont magnifique.
Kiara cligna des yeux une fois, deux fois, mais ne réagit pas à ce compliment probablement là pour la mettre plus à l'aise. Aurait-elle du? Elle n'en voyait tout simplement l'utilité. Il y avait bien plus important pour l'instant que la beauté de ses yeux dont elle ne se souvenait absolument pas...
- Qui êtes vous? Ou sommes nous? Et... Qui suis-je? L'homme en blanc paru confus devant cette question, alors qu'il passait sa main sur son menton, pensif, tout en l'évaluant d'un regard proprement professionnel.
- Hum, alors votre mémoire... Oui, nous aurions du nous y attendre. vous rappelez-vous de quelque chose mademoiselle? N'importe quoi... Un scène, un nom, un visage?
Aurait-elle du? Cette idée ne l'aida pas à se sentir mieux, alors qu'elle fronçait les sourcils, tout en cherchant n'importe quoi à se raccrocher. Mais il n'y avait rien. Que des questions. Aucune réponse. Faisant un signe négatif de la tête, elle abandonna avec un soupir.
- Non je... Je ne me souviens de rien. Je sais certains chose, les mots, les sens... Mais... Je ne sais pas comment.Il hocha de la tête. Il semblait s'être attendu à ce genre de réponse, ayant simplement voulu une affirmation de sa part. Elle trouvait cela presque cruel. N'avait-il pas idée de la peur qui lui tordait l'estomac? Elle était seule, perdue dans un monde devenu étranger pour elle. Ne pouvait-il donc pas là ménager? Encore une fois, il repris avec un personnalisme écœurant.
- Il n'y a rien d’étonnant à cela, ne vous inquiétez pas.. Je suis le neurologiste en chef, le docteur Nakamura, de l’hôpital d'Okyto. Vous êtes arrivé ici il y a quelques semaine, transféré depuis Glanterre. Vous avez été victime d'un accident de voiture, et êtes restée dans le coma de stade 3 depuis ce jour, au point que certains vous classaient en coma 4...
Coma. Elle savait sans trop voir ce que c'était. Un long sommeil dont on ignorait la finalité. La presque mort. Kiara se sentait si faible qu'elle n'aurait pas été surprise d'apprendre qu'elle était vraiment morte, pendant tout ce temps, et qu'aujourd'hui n'était rien d'autre que le jour de sa renaissance. Le jour du miracle. Une question lui brûlait cependant les lèvres, alors que fébrile, elle la formula à haute voix, déjà terrifiés par la réponse.
- Docteur depuis... Depuis combien de temps...?Il sembla peiné, un instant peut-être, avant que son professionnalisme ne reprenne le dessus, et que sa peine ne devienne qu'une vague pitié de convenance.
- 5 ans depuis peu, mademoiselle...
5 ans. Elle savait la durée que cela représentait. Toute une partie de sa vie venait de s'envoler, tandis que le reste semblait incertain, alors qu'elle se battait vainement pour faire revenir des souvenirs inaccessible. Elle n'avait pas de passé, et aucun avenir. Tout lui semblait tellement sombre, en cet instant. Elle en aurait presque pleuré. Voyant l’anxiété se peindre sur le visage de la jeune fille, le médecin préféra reprendre doucement, essayant encore une fois d'éviter la crise de panique.
- Vous vous appelez Kiara Lancaster. Vous souffrez actuellement d'amnésie rétrograde...
Un nom, une identité. Quelque chose à quoi se raccrocher. Inconsciemment, Kiara se détendit, alors qu'elle murmurait doucement son prénom, puis son nom, essayant probablement de les imprimer au fond d'elle pour ne plus jamais les oublier. Pour ne plus jamais s'oublier et disparaître.
- Et... Est-ce que... Je vais me souvenir?Un silence de quelques secondes pendant lesquelles Kiara compta les battements de son cœur, tandis que le médecin la regardait, toujours aussi fasciné par le miracle de science qu'elle représentait. Il s’intéressait bien plus au coté patient que humain de la demoiselle. Inconsciemment, elle le sentait. Et tout aussi inconsciemment, elle le détestait pour cela.
- Théoriquement oui, mais je ne peux rien vous promettre quant à la durée que cela prendra pour revenir. Peut-être retrouverez vous des brides, des vagues souvenirs d'ici quelques jours, mais... Cela peut aussi prendre du temps, beaucoup de temps... Voir des années.
Des années. Des années a rester dans ces ténèbres, aussi noir qu'un puits où l'on se noie. Kiara se mit à trembler, alors que ses mains virent doucement cacher ses yeux, au bord des larmes. Elle ne devait pas se laisser aller, pas maintenant, alors qu'il n'y avait personne pour la relever. Elle en avait conscience, mais c'était dur, tellement dur, tandis que tout lui semblait noir.
Une main se posa doucement sur son épaule, la faisant tressaillir. Par réflexe, Kiara essaya de se lever pour s'en éloigner, mais après cinq ans sans bouger, elle avait désappris à marcher, et réussit juste à tomber durement sur le sol de sa chambre, sous l’œil critique du médecin, qui appela alors des infirmières pour l'aider... Tout était à refaire, que ce soit son corps ou son esprit.
Kiara n'était plus qu'une feuille, une feuille aussi blanche que cette pièce, que ces draps, que les tenues des femmes qui virent la remettre doucement dans son lit, avec une compassion dont elle ne voulait pas. Ils étaient tous si complaisant, se sentant tellement supérieur à elle, la pauvre patiente, dont ils s'empressaient d'avoir pitiés.
Kiara décida qu'a partir de ce jour et pour le reste de toute sa nouvelle vie, elle détesterait le blanc. Tout comme elle les détestait tous, à l'instant...
- Ne vous en faites pas, nous allons bien nous occuper de vous, d'ici quelques mois, et après une rééducations stricte, vous retrouverez toute votre mobilité passée.
Un sourire. Un autre, toujours aussi dégoulinant de condescendance et d'auto-satisfaction qu'elle avait fait l'erreur de prendre pour de la pitié formelle au début de la conversation. Plus la discussion avançait, plus elle se sentait nauséeuse. Il agissait avec une telle supériorité qu'elle ne pouvait le supporter. Si au début, Kiara avait vu le medecin Nakamura comme une aide, comme un soutien, maintenant elle attendait impatiemment la fin de cette discussion pour qu'il parte. Elle avait fait l'erreur de prendre un loup pour un chien, et elle s'en mordait les doigts...
- Vous prenez le problème dans le sens qui vous arrange, vous, pas moi... Je veux partir, je veux quitter cet endroit. Main-te-nant.Si sa voix, bien qu'un peu plus grave que d'habitude après tant d'année sans parler, restait calme, presque douce, ses yeux, eux, restaient fixe, ne quittant pas le médecin du regard, et laissant ainsi voir que sa décision était sans appel. Et pourtant, il sourit encore. Il était si à l'aise. Dans son élément, sur son terrain. Que pouvait-elle contre lui, alors qu'elle n'était même plus capable de mettre un pied devant l'autre? Les force étaient parfaitement inégales. Elle avait perdue avant même que la conversation ne débute.
- Nous essayerons de joindre votre famille au plus vite, d'ici là, je vous prie de restez dans votre chambre, nous commenceront votre rééducation dès que vous serez remise de vos... Émotions.
Il ne le ferait pas, elle le savait. Elle le sentait, dans sa voix, dans son regard, et dans sa façon cruelle de le détourner... Une famille? Qu'est-ce que c'était déjà? Son cerveau fatiguée par toutes les informations qu'elle venait d'emmagasiner n'en pouvait plus. Elle capitula de mauvaise grâce, se laissant aller doucement aller contre le coussin de son lit si blanc, tandis que ses yeux se fermaient déjà. Il avait raison dans le fond, ou pourrait-elle bien aller, elle qui ne connaissait rien au monde? Elle n'avait d'autre choix que de s'en remettre à leur volonté, pour l'instant...
- Reposez-vous, nous reparlerons à votre réveil mademoiselle Lancaster.
Fit une voix qui lui paraissait déjà trop loin, alors qu'elle commençait à somnoler, partagée entre doute et peur.
Et ce vide, au fond de sa poitrine, qui ne cessait de grandir... Il lui manquait quelque chose, mais quoi?